Les grands érudits de la récitation

Lorsqu’il recevait une révélation, sidna Mohammed avait l’habitude de s’assurer qu’il l’avait bien mémorisée auprès de l’ange Gabriel qui la lui faisait. Il s’appliquait donc à lui réciter tout ce qui venait de lui être révélé puis, une fois cette première étape accomplie, il retournait vers ses compagnons et leur dictait les nouveaux textes reçus. Les fidèles présents s’empressaient alors de mémoriser les textes, fraîchement révélés, et certains d’entre eux qui savaient lire et écrire, comme les quatre grands califes, mais aussi Obay ibn Kaâb, Zayd ibn Thabit, Mouad ibn Jabal et d’autres, les consignaient, sous le contrôle du Messager de Dieu, sur des feuilles de papyrus ou des peaux d’animaux ou des os plats.

Seulement la lecture qui en était faite par le Prophète pouvait varier, si bien qu’il pouvait changer parfois de prononciation pour tel ou tel mot ou de ponctuation pour tel ou tel verset. Ce qui ne manqua pas de provoquer quelques remous dans les rangs des fidèles. Les imams El Boukhari et Muslim nous rapportent que Omar Ibn Khattab écoutait un jour Hicham ibn Hakim réciter le chapitre du Discernement et décela dans sa récitation des variations par rapport à ce que lui avait appris. Surpris par ces divergences, il ne put se retenir et lui demanda de qui tenait-il le chapitre? Hicham répondit qu’il le tenait du Prophète, mais Omar ne le crut pas et l’obligea à le suivre chez le Messager de Dieu. Or, après avoir été mis  au courant de l’affaire, le Messager de Dieu approuva aussi bien la lecture de Hicham que celle de Omar, en assurant que c’est ainsi que le Coran a été révélé et qu’il pouvait être récité de différentes manières.

Ainsi, nous sommes aujourd’hui en mesure de dire que le Coran nous a été transmis sous différentes versions toutes référencées à sidna Mohammed qui les a reçues de l’ange Gabriel lui même les rapportant à Allah Tout-puissant. Ces versions ont été soigneusement colligées, si bien que, de nos jours, nombreuses sont celles connues, mais les grands érudits de cette science, qui ont écrit et excellé dans ce domaine, ont fini par en désigner dix dont la chaîne de transmission ne connait aucun biais ni rupture jusqu’au Prophète et qui sont considérées comme authentiques.

Il est de nos jours acquis qu’une version du Coran ne peut être considérée comme authentique que si elle satisfait à trois grandes conditions:

  • Être compatible d’une manière ou d’une autre avec la langue arabe classique
  • Être compatible avec l’écriture qui en a été faite dans le Mushaf de Othman ibn Affane qui reste la seule référence valable
  • Avoir été transmise selon une chaîne qui arrive jusqu’au Prophète et dans laquelle il n’existe ni biais ni rupture

Toutes les autres versions qui ne satisfont pas ces trois conditions ne ne peuvent être prises en considération et ne peuvent être employées pour accomplir les prières rituelles. Ainsi, les versions qui nous sont arrivées en ayant satisfait à ces trois conditions sont au nombre de dix dont les promoteurs sont très célèbres. En voici les noms, suivis, pour chacun d’eux, des noms de deux de ses plus célèbres disciples:

  1. L’imam Nafi’e de Médine
    1. Qaloun
    2. Warch
  2. L’imam Ibn Kathir de La Mecque
    1. El Bazzi
    2. Qounboul
  3. L’imam Abou ‘Amr de Bassorah
    1. Eddouri
    2. Essoussi
  4. L’imam Ibn ‘Amer de Syrie
    1. Hicham
    2. Ibn Dhakouane
  5. L’imam ‘Assem de Koufa
    1. Chouâba
    2. Hafs
  6. L’imam Hamza de Koufa
    1. Khalaf
    2. Khallad
  7. L’imam El Kissa’i de Koufa
    1. Abou El Harith
    2. Eddouri
  8. L’imam Abou Jaâfar de Médine
    1. Ibn Wardane
    2. Ibn Jammaz
  9. L’imam Yaâcoub El Hadrami de Bassorah
    1. Rouwayss
    2. Rawh
  10. L’imam Khalaf El Bazzar de Baghdad
    1. Ishaq ibn Ibrahim
    2. Idriss ibn Abdelkarim

Ceci dit, ces variantes ne sont pas toutes connues du grand public et restent du ressort d’un cercle très fermé de grands érudits qui se les transmettent, toujours et encore, aussi fidèlement que possible. Cependant, trois d’entre elles restent assez répandues au niveau de la population générale. Il s’agit d’abord et avant tout de la variante rapportée par l’imam Hafs à son maître ‘Assem qui reste la plus célèbre dans le monde actuel et dont la lecture se fait dans la plus grande partie des pays. Ensuite, nous retrouvons la variante rapportée par l’imam Warch à son maître Nafi’e dont la lecture est surtout répandue en Algérie, au Maroc et en Afrique de l’Ouest et enfin la variante rapportée par l’imam Qaloun à son maître Nafi’e qui est surtout utilisée en Libye et en Tunisie. On pourrait aussi ajouter la variante rapportée par l’imam Eddouri à son maître Abou ‘Amr que l’on retrouve assez couramment dans certaines contrées du Soudan.

Les plus grandes publications qui font état de ces versions et variantes sont nombreuses. Nous ne citerons ici pour exemple que la merveilleuse poésie de 1173 vers écrite par l’imam El Kassim ibn Firrouh Ecchatibi et qui reprend de manière exhaustives les différences entre les versions rapportées par les sept premiers imams ainsi que le merveilleux livre publié par l’imam Ibn El Jazari et qui regroupe, en détail, tout ce qui se rapporte aux dix versions.

Nous consacrerons progressivement, dans les pages attachées à celle ci, un intérêt particulier à la biographie de ces grands imams.

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