Usuriers!

Lors d’un précédent appel céleste au niveau du chapitre de la génisse nous avions pu constater comment Dieu a fustigé la pratique de l’intérêt usuraire. Le quinzième appel aux croyants sort de ce même registre quoique l’on ne sait pas avec certitude lequel des deux appels fut révélé en premier. Dieu dit dans le verset n°130 du chapitre de la famille d’Amram :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ لاَ تَأْكُلُواْ الرِّبَا أَضْعَافًا مُّضَاعَفَةً
130. Ô croyant ! Ne pratiquez pas l’usure en multipliant démesurément votre capital

Ce verset et les deux qui lui font suite se positionnent curieusement en plein dans le paragraphe qui conte la mésaventure de la bataille de Ohoud au cours de laquelle les musulmans ont connu la défaite après qu’ils eurent commencé à goûter aux délices de la victoire. Certains interprètes du saint Coran dont l’imam El Kortobi, qui considèrent la venue de ce verset secondaire à l’autre, expliquent l’emplacement particulier de ce passage en plein milieu d’un contexte de guerre, par le fait que l’usure avait été interdite par le verset de la génisse et que sa non observance pouvait avoir comme conséquence une déclaration de guerre de la part de Dieu contre les contrevenants. Rappelons nous ce verset en effet :

فَإِن لَّمْ تَفْعَلُواْ فَأْذَنُواْ بِحَرْبٍ مِّنَ اللهِ وَرَسُولِهِ
278. Et si vous ne le faites pas, attendez vous alors à une déclaration de guerre de la part d’Allah et de Son messager

Or, parmi les musulmans certains avaient continué à percevoir des intérêts sur les prêts qu’ils accordaient à leurs concitoyens comme le rapporte Moujahid toujours d’après El Kortobi. Ainsi le rappel de l’interdit dans le sillage de la défaite de Ohoud reviendrait à dire :

Si vous persévérez dans votre pratique de l’usure vous risquez d’essuyer défaite après défaite, ce qui ne vous conviendrait certainement pas

C’est pourquoi surgit encore une fois l’appel à la piété seule garante d’une éviction définitive des interdits de Dieu et d’une réussite finale totale. La piété représentant comme nous l’avons précisé à maintes reprises l’objectif n°1 du message divin..

وَاتَّقُواْ اللهَ لَعَلَّكُمْ تُفْلِحُونَ (130)
Craignez Allah afin que vous réussissez !

Seulement cet appel à la piété est ici enveloppé d’une menace ferme qui guette les mécréants et tous les contrevenants potentiels. La pratique de l’usure est donc formellement interdite et relève d’un des deux cas suivants :

    •Soit que le contrevenant est convaincu de son interdiction et se rend alors coupable d’un énorme péché que seul le repentir est capable d’effacer.
    •Soit qu’il renie carrément l’interdiction et se met alors sous le joug du châtiment du feu en franchissant sciemment le seuil de la mécréance..

وَاتَّقُواْ النَّارَ الَّتِي أُعِدَّتْ لِلْكَافِرِينَ (131)
131. Et craignez le Feu qui est (spécialement) destiné aux mécréants

En fait, ce verset a pour objectif de révéler la réalité bien cachée des sentiments que portent les juifs et les chrétiens aux musulmans. Naturellement tous ne se rendent pas coupables de tels comportements. Il existe certainement bon nombre d’entre eux qui sont réellement sincères dans leurs sentiments envers les musulmans mais cela ne justifie aucunement la confiance aveugle que peuvent leur témoigner certains d’entre nous.

Mais une question vient à l’esprit : pourquoi donc le discours coranique a t-il précisément choisi la pratique de l’usure pour être citée ici en dehors de tous les autres interdits ? L’explication avancée est qu’il s’agit d’un gros péché dont l’éviction est difficile à mettre en œuvre vu les gains matériels qu’il procure et dont seule la foi peut parvenir à vaincre. Cette foi n’a d’ailleurs d’autre conséquence que l’obéissance à Dieu qu’elle suggère..

وَأَطِيعُواْ اللهَ وَالرَّسُولَ لَعَلَّكُمْ تُرْحَمُونَ (132)
132. Et obéissez à Allah et au Messager afin qu’il vous soit fait miséricorde

Néanmoins le problème qui se pose est le suivant : quand bien même les musulmans voudraient-ils obéir à Dieu et à Son messager, ils n’y parviendraient que difficilement et dans tous les cas incomplètement ! La pratique de l’usure n’est-elle pas devenue actuellement un état de fait dans le monde entier ? Comment pourraient-ils s’en débarrasser alors que l’économie mondiale n’est plus entre leurs mains. Tahar ibn Achour, célèbre exégète tunisien du XXe siècle, dit dans sa magnifique interprétation du saint Coran « Attahrir wa Attanouir » :

Les musulmans ont vécu de longs siècles sans ressentir le besoin d’avoir recours à la pratique de l’usure. Leur biens et leurs richesses étaient importantes et indépendantes de celles des autres nations car justement ils occupaient le devant de la scène. Or, depuis que cette position de leader leur a été ravie par l’occident qui lui n’a pas de problème à cautionner l’usure, ils se trouvent dans une situation délicate qui réclame réflexion pour mettre au point des règles commerciales concordantes avec la loi divine « charia » car il va de soi qu’il est hors de question de rendre licite ce qu’Allah a fait illicite.

Cette réflexion et sa mise en pratique proposée par Tahar ibn Achour nous parait être la meilleure solution si nous voulons mériter que miséricorde nous soit faite. C’est la seule voie pour nous autres musulmans qui puisse nous mener vers la promesse du verset suivant dans lequel Allah dit :

سَارِعُواْ إِلَى مَغْفِرَةٍ مِّن رَّبِّكُمْ وَجَنَّةٍ عَرْضُهَا السَّمَاوَاتُ وَالأَرْضُ أُعِدَّتْ لِلْمُتَّقِينَ (133)
133. Et concourez au pardon de votre Seigneur, et à un Jardin large comme les cieux et la terre, destiné aux pieux

Prions Allah afin qu’il nous inscrive dans les rangs de ces derniers. Amen !

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