Thésaurisation

L’appel aux croyants que nous analyserons aujourd’hui est une mise en garde indirecte contre la thésaurisation de l’or et de l’argent et partant de là de toute chose ayant une valeur et qui pourrait servir d’une manière ou d’une autre la cause de Dieu.


يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ إِنَّ كَثِيرًا مِّنَ الأَحْبَارِ وَالرُّهْبَانِ لَيَأْكُلُونَ أَمْوَالَ النَّاسِ بِالْبَاطِلِ

34. Ô croyants! Nombre de rabbins et de moines consomment, illégalement les biens des gens

Il semble que la pratique initiée par certains rabbins de la communauté juive de Médine et autres moines chrétiens était de prélever des sommes d’argent et une partie des récoltes auprès des fidèles et ce, soit disant, au nom de la religion. Ils faisaient ainsi croire aux fidèles respectifs de chacune de ces deux religions qu’ils procédaient par là à une bonne action, mais au lieu d’utiliser ces biens à des fins nobles et défendables, ils se les accaparaient pour leur besoin personnel et s’en enrichissaient. De cette manière les fidèles quoique arnaqués pensaient faire du bien et se rapprocher de Dieu. Ils trouvaient donc une certaine quiétude et s’attachaient encore plus à leur foi. Or de tels agissements ne sont ni plus ni moins qu’une obstruction intentionnelle pure et simple de la voie de Dieu de la part de ces personnes plutôt supposées la servir.. et c’est pourquoi Allah les qualifient de:


وَيَصُدُّونَ عَن سَبِيلِ اللّهِ

et obstruent le sentier d’Allah

Ce qui ne manque pas d’être considéré justement comme un péché majeur. En fait l’intérêt de ce verset n’est pas tant de condamner la pratique de ces rabbins et moines mais plutôt de montrer sa gravité afin que les croyants de la nouvelle religion, en l’occurrence les musulmans, ne soient pas tentés d’emprunter le même chemin et de se mettre à arnaquer les gens à tout bout de champ. D’ailleurs dans un précédent verset du chapitre des femmes la mise en garde était directe quand Dieu a dit :


يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ لاَ تَأْكُلُواْ أَمْوَالَكُمْ بَيْنَكُمْ بِالْبَاطِلِ

29. Ô croyants! ne dilapidez pas vos biens entre vous illégalement.

Il est par conséquent clair que l’argent de quelque nature qu’il soit doit être destiné à servir l’intérêt de toute la communauté plutôt que d’être utilisé uniquement à des fins personnelles ou encore à être cumulé pour le simple plaisir de l’amasser. Le croyant est appelé à apprendre à partager ce qu’il possède au lieu de s’acharner à faire fructifier sa propre fortune aux dépens des autres, surtout si cet acharnement emprunte des voies illicites, auquel cas il s’exposerait au châtiment divin..


وَالَّذِينَ يَكْنِزُونَ الذَّهَبَ وَالْفِضَّةَ وَلاَ يُنفِقُونَهَا فِي سَبِيلِ اللّهِ فَبَشِّرْهُم بِعَذَابٍ أَلِيمٍ {34}

Annonce plutôt un douloureux châtiment à ceux qui thésaurisent l’or et l’argent et ne les dépensent pas pour la cause d’Allah,

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La cause d’Allah étant ici toute voie permettant de servir la communauté ne serait-ce que par le fait d’apaiser la faim d’un miséreux. Dans un hadith le prophète r dit à son épouse Aïcha : « Ô Aïcha protège toi du châtiment du feu ne serait-ce qu’en offrant une demie datte« . La mise en garde est donc on ne peut plus claire et ne concerne pas uniquement les gens du livre cités plus haut. Non seulement elle les concerne mais elle vise aussi tous ceux qui procèdent ou qui seraient tentés de faire comme eux. Il s’agit également d’une invitation indirecte à s’acquitter de l’aumône ou zakat dont le verset qui y fait allusion claire va venir un peu plus loin dans ce même chapitre du repentir. Insistons toutefois à ce propos que le fait de donner la zakat ne devient obligatoire que si quatre conditions, chez celui qui est sensé s’en acquitter sont réunies. Ainsi faudrait-il :

  • qu’il soit libre, pour la simple raison que l’esclave n’est pas sensé donner la zakat puisqu’il n’est lui-même pas maître de soi.
  • qu’il soit musulman car la zakat ne concerne que ceux qui professent l’attestation de foi de l’Islam. Par contre pour le non musulman vivant en terre d’Islam c’est la capitation qui lui est désignée.
  • que l’argent ait été en possession de son propriétaire pendant au moins une année lunaire tout en notant que le décompte de la somme imposable ne doit intervenir qu’en fin d’année.
  • que cet argent, après s’être acquitté de toute créance, ait atteint la valeur requise pour devenir imposable sachant que cette valeur a été estimée différemment par les écoles du fikh à quelques dizaines de dirhams prêts.

Autrement et plus simplement dit :

Une personne libre et musulmane de surcroît et qui possède une somme d’argent en liquide ou en nature ayant atteint la valeur imposable en question ne devra donner la zakat qu’à la fin de l’année en cours et ce en fonction de la somme disponible à ce moment là au taux préférentiel de 2,5%.

Si maintenant la personne refuse de s’acquitter de ce devoir communautaire qui rappelons-le représente le troisième pilier de l’Islam, elle s’expose au châtiment tel que le rapporte l’Imam El Boukhari: « Quiconque possède de l’argent en quantité raisonnable et ne s’acquitte point de la zakat se verra au jour de la résurrection en face d’un monstre horrible qui le prendra par la gorge et lui dira haut et fort : rappelle toi de ton trésor c’est moi! ». Ceci est d’ailleurs étayé par la suite du discours coranique qui dit :


يَوْمَ يُحْمَى عَلَيْهَا فِي نَارِ جَهَنَّمَ فَتُكْوَى بِهَا جِبَاهُهُمْ وَجُنوبُهُمْ وَظُهُورُهُمْ هَذَا مَا كَنَزْتُمْ لأَنفُسِكُمْ فَذُوقُواْ مَا كُنتُمْ تَكْنِزُونَ {35}

35. le jour où ils seront portés à incandescence dans le feu de l’Enfer et qu’ils en seront cautérisés, front, flancs et dos : voici ce que vous avez thésaurisé pour vous-mêmes. Goûtez de ce que vous thésaurisiez.

L’image pourrait paraître quelque peu dure, comportant un désir de faire mal quand on la prend crûment mais il n’en est rien. Le but est tout simplement de montrer comme nous l’avons déjà dit, la gravité de la thésaurisation pour le simple plaisir d’amasser de l’argent alors que d’autres pourraient en avoir besoin. L’argent dans la société musulmane est sensé tourner afin que chacun puisse en bénéficier et prendre la part qui lui revient. Fasse Allah que chacun de nous en soit conscient.

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