Suggestions compromettantes

Nous entamons par la grâce de Dieu un nouveau chapitre caractérisé par le nombre important d’appels célestes qu’on y trouve malgré sa relative brièveté. En effet, sur 18 versets, cinq sont sous forme d’appels célestes destinés, selon Fakhreddine Errazi, à habituer la communauté musulmane à la décence dans tous les compartiments de la vie, avec tout le monde et sans exception. Il s’agit du 49ème chapitre ou chapitre des appartements qui fut vraisemblablement révélé au Prophète en l’an neuf de l’hégire à l’occasion de la venue de la délégation des bani Tamim qui s’était présentée à lui pour négocier la libération d’un certain nombre de leurs prisonniers et refusèrent de patienter jusqu’à ce qu’il les reçoive officiellement. Ils se mirent alors à l’appeler afin qu’il sorte à eux, faisant par là montre d’une absence totale d’éducation et de savoir faire. Les cinq appels que comporte ce chapitre sont donc destinés à éduquer les croyants en leur inculquant des règles de bienséance qu’ils devront mettre en œuvre selon trois registres distincts comme cela a été bien détaillé par Errazi:

  • Le premier registre concerne les comportements vis-à-vis de Dieu et tout ce que cela sous-entend comme marques de respect envers l’Être Suprême. Ce sujet étant traité dans le premier verset du chapitre.
  • Le deuxième registre concerne le prophète et le respect que lui doivent tous les fidèles, car comme nous l’avons déjà vu par ailleurs, le messager de Dieu occupe une place spéciale dans la hiérarchie. (verset 2 à 5)
  • Le troisième registre, détaillé dans les versets 6 à 12, concerne les agissements que doivent éviter les musulmans dans leurs relations avec leurs semblables qui font généralement partie de deux groupes différents :
    • Celui des croyants qui se divisent eux-mêmes en deux sous groupes à savoir ceux qui sont présents et ceux qui sont absents.
    • Celui de tous les humains sans prendre en considération ni leur religion ni leur race.
  • Voyons donc le premier de ces appels avec un peu plus de détails..

    يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا لَا تُقَدِّمُوا بَيْنَ يَدَيِ اللَّهِ وَرَسُولِهِ
    1. Ô croyants! Ne devancez pas Allah et Son messager

    L’appel s’adresse donc à tous les croyants afin qu’ils se préparent psychologiquement à recevoir l’ordre qui va leur être donné et à l’évaluer à sa juste valeur. Car le fait de faire référence à leur foi les invite à être à la hauteur de la mission qui va leur être confiée. On ne conçoit effectivement pas un croyant qui n’observe pas ce que son Seigneur lui prescrit. Nous avons pour cela largement discuté à travers de multiples épisodes de l’affaire de l’obéissance. Ce premier appel concerne donc les deux premiers registres dont nous avons parlées tantôt à savoir celui de Dieu et celui du prophète. Par ailleurs le devancement dont il est question représente une métaphore. Il faut comprendre par là « ne suggérez pas » au lieu de « ne devancez pas » car justement le discours coranique vise non pas le fait de devancer Dieu et Son prophète au cours de la marche, par exemple, mais plutôt la prise de décision dans un domaine relatif à la religion et dans lequel on ne connaît pas la position d’Allah. Autrement dit le croyant est invité a ne pas être pressé dans ses prises de décisions mais plutôt de s’assurer de leur caractère licite. Une deuxième explication a toutefois été avancée et selon laquelle Allah, par cette directive, commande aux musulmans de respecter les délais qui leur sont impartis pour s’acquitter des actes de culte qui leur incombent comme la prière qui ne doit pas être accomplie avant l’appel du Muezzin, ou encore entamer le jeûne avant l’aube ou le pèlerinage avant le neuvième dhou l hijja. Mais le contexte dans lequel fut révélé le verset favorise la première explication quoique toutes les deux soient parfaitement acceptables. Enfin il semble que ce verset, comme rapporté par El Boukhari, ait été révélé quand le prophète reçut la délégation des bani Tamim citée ci-dessus. Quand ils voulurent prendre congé du prophète, Abou Bakr lui suggéra de nommer à leur tête El Kaakaa bnou Maabad, mais Omar qui avait un avis différent suggéra El Akraa bnou Habiss. Chacun des deux se mit alors à défendre sa proposition et très vite ils élevèrent la voix en présence du prophète. Le contenu du deuxième appel que nous verrons lors du prochain épisode confirme cet état de fait.
    D’autres raisons ont été avancées pour expliquer la révélation de ce verset. Entre autres celle rapportée à Ibn Abbés et selon laquelle le prophète  aurait confié une mission à un groupe de ses compagnons qui tombèrent malheureusement dans un guet-apens tendu par la tribu des bani Amer. Tous y laissèrent la peau sauf trois d’entre eux qui réussirent à s’échapper. En cours de route ils rencontrèrent deux hommes appartenant à la tribu des béni Soulaym. Ils leur demandèrent d’où venaient-ils mais les deux hommes par crainte d’être agressés se firent passer pour des bani Amer qui étaient forts et puissants ce qui poussa les trois musulmans à se venger d’eux et à venger leurs amis tombés dans le guet-apens. Quand le prophète fut mis au courant de l’affaire par la tribu des bani Soulaym qui avait un pacte de non agression avec lui, il en voulut aux trois compères d’avoir agit de la sorte, répara la faute en leur versant le prix du sang, et le verset fut révélé. Quoiqu’il en soit, et quelque soit la circonstance de révélation du verset les tenants et les aboutissants restent les mêmes et il n’est pas exclu que les deux circonstances rapportées ici se soient produites simultanément ou à quelques jours d’intervalle. Toujours est-il que quand le croyant décide de faire quelque chose il doit s’assurer d’abord qu’elle soit licite. Dans le doute il ferait mieux de s’enquérir de la situation avant de ne faire quoique ce soit. Et pour cela point d’autre choix que de revenir aux dires du prophète dont l’avis constitue un passage obligatoire dans la recherche et la connaissance de la religion. Autrement dit, il ne convient pas de prendre d’initiative pressée dans tout ce que nous entreprenons sans être au courant de ce qu’en pense la loi de Dieu, à travers le Coran et le Sunna du prophète . Car cette manière de faire est la meilleure des preuves de sa piété et de sa foi en Dieu, Lui qui sait tout..

    وَاتَّقُوا اللَّهَ إِنَّ اللَّهَ سَمِيعٌ عَلِيمٌ {1}
    Et craignez Allah. Allah est Audient et Omniscient.

    Au risque de nous répéter, disons encore une fois que la piété reste l’objectif n°1 du message divin. Et le fait de dire qu’Allah est Audient et Omniscient représente à la fois une information mais aussi une menace.

    S'élever avec le Coran