Railleries

Le quatrième appel du chapitre des appartements a trait aux relations qui doivent prévaloir entre les membres d’une même communauté. Il incite le croyant à ne pas sous estimer son prochain et à ne pas le considérer avec dédain.

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا لَا يَسْخَرْ قَومٌ مِّن قَوْمٍ عَسَى أَن يَكُونُوا خَيْرًا مِّنْهُمْ وَلَا نِسَاء مِّن نِّسَاء عَسَى أَن يَكُنَّ خَيْرًا مِّنْهُنَّ وَلَا تَلْمِزُوا أَنفُسَكُمْ وَلَا تَنَابَزُوا بِالْأَلْقَابِ
11. Ô croyants! Ne vous moquez pas les uns des autres peut-être que vos victimes seraient-elles meilleures que vous. Et que certaines femmes ne prennent pas d’autres en raillerie peut-être que ces dernières sont-elles meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas les uns les autres et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets.

Ibn Abbés rapporte que Thabit Ibn Kays, le poète et prédicateur que nous avons déjà évoqué dans l’affaire de l’élévation de la voix devant le prophète, était dur d’oreille et il avait pris l’habitude de se rapprocher au maximum du messager de Dieu lors de ses causeries pour mieux saisir ce qu’il dit. Un jour alors qu’il était venu en retard, il se mit à enjamber les rangs en répétant « poussez-vous s’il vous plait ! poussez vous !». Les compagnons qui s’étaient habitués à son cas répondaient favorablement à sa requête, mais ce jour là, l’un d’eux, agacé par cet agissement plutôt déplacé, refusa de lui céder sa place. Thabit Ibn Kays, sans cacher son mécontentement, s’assit derrière lui et demanda de qui s’agissait-il? Quand on lui répondit, il l’insulta en évoquant sa mère qui semble t-il avait un passé pour le moins pas très propre! Mais le verset vint remettre Thabit à sa place en fustigeant sa réaction qui reste inacceptable. On dit aussi que le verset fut révélé quand la délégation des bani Tamim, objet des deux premiers appels de ce chapitre, prit en raillerie certains fidèles, comme Bilal, Ammar, Sohaib et Salem, qui étaient très pauvres et portaient par conséquent des habits déchirés de très mauvaise qualité. Enfin il est possible que la révélation se soit faite à l’occasion de la venue à Médine de Îkrimat Ibn Abi Jahl après sa conversion à l’Islam. Certains musulmans le nommèrent « fils du dictateur », en référence à son père qui était parmi les plus grands détracteurs du prophète durant la période mecquoise et qui n’avait pour ainsi dire ménagé aucun effort pour faire échouer le message divin et qui finalement s’était fait tué au cours de la bataille de Badr en l’an II de l’Hégire. Quoiqu’il en soit, le but est de faire renoncer les croyants à se prendre mutuellement en raillerie, pour la simple raison que personne ne peut prétendre, ni affirmer, être meilleur que son prochain, car justement en Islam, la valeur de chacun d’entre nous ne se réfère pas au matériel mais se mesure en degré de piété. Dieu dit un peu plus loin dans ce même chapitre des appartements:

إِنَّ أَكْرَمَكُمْ عِندَ اللَّهِ أَتْقَاكُمْ
Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux

Par ailleurs le fait d’associer les deux sexes à l’affaire, en précisant que les femmes aussi ne devraient pas se moquer les unes des autres, prouve l’importance accordée par Dieu au sujet. On rapporte à l’occasion, que deux des épouses du prophète se rendirent coupables de moquerie envers une troisième, en l’occurrence Oum Salama, qui dit-on, était petite de taille. Ce qui ne manqua pas de faire du chagrin au prophète . Il dit d’ailleurs à ce sujet dans un hadith rapporté par l’Imam Muslim:
Dieu ne prête pas attention à la beauté de votre corps ou à la quantité de vos biens mais plutôt à ce vous portez en vous et aux bonnes œuvres dont vous faites preuve
En effet, combien de personnes visiblement honorables se rendent coupables de faits totalement compromettants vis-à-vis de Dieu alors que d’autres, auxquelles aucune importance ne leur est accordée au vu de leur apparence plutôt modeste, font des choses extraordinaires en cachette et dont Dieu Seul est au courant. Autrement dit, il ne faut pas se fier aux apparences, ou encore, comme il est classique de dire: « l’habit ne fait pas le moine ». Quand bien même une personne se rendrait coupable d’un acte dérisoire ou d’une œuvre blâmable ou serait porteuse d’un caractère sujet à raillerie, ce n’est pas une raison pour saisir l’occasion et se moquer d’elle ou la condamner. La tolérance que préconise l’Islam veut que toute condamnation soit celle de l’acte lui-même et non de la personne qui s’en est rendue responsable et qui peut toujours changer et/ou se corriger. Rappelons qu’il n’est jamais trop tard pour se rattraper lorsqu’on commet un péché. Le dicton arabe dit:  » Parmi les critères du bonheur chez une personne, le fait de s’occuper à corriger ses propres défauts au lieu de se charger de faire l’inventaire des défauts des autres ». Et par ailleurs: « Le dromadaire ne voit et ne remarque que la bosse de son voisin ». Autrement dit, il ne faut pas rester là, à l’affût, attendant relever tout faux pas, tel ou tel défaut de telle ou telle personne, afin d’en faire un sujet de discussion ou de moquerie, mais plutôt de faire preuve de compassion et de positiver son comportement et ses réactions autant que possible surtout quand il s’agit d’un acte isolé dont la personne responsable s’en est depuis longtemps affranchie. Par ailleurs, il est tout à fait déconseillé de s’amuser à appeler les gens par des surnoms déplacés ou qui ne plaisent pas.

بِئْسَ الاِسْمُ الْفُسُوقُ بَعْدَ الْإِيمَانِ وَمَن لَّمْ يَتُبْ فَأُوْلَئِكَ هُمُ الظَّالِمُونَ {11}
Quel vilain mot que “perversion” lorsqu’on a déjà eu la foi . Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là sont les véritables injustes.

Comment peut-on effectivement taxer quelqu’un d’une chose qu’il a désapprouvée ?
C’est pourquoi le croyant qui se rend coupable de moquerie, de raillerie ou de taxation malveillante, s’inscrit d’une façon ou d’une autre dans les rangs des pervers et au cas où il ne s’en repentirait pas il aggraverai son cas et deviendrait injuste non seulement envers ceux dont il s’est moqué mais également envers lui-même en ayany raté l’occasion de revenir à Dieu. Ainsi faudrait se garder d’insulter toute personne en référence à ce qu’elle a pu faire dans le passé, du moment qu’elle s’en est repenti. Par contre quand un surnom a tendance à prendre un caractère universel et qu’il est volontiers accepté par la personne concernée, le problème ne se pose plus. Il en est de même et à plus forte raison si ce surnom est destiné à valoriser celui qui va le porter, comme ce fut le cas par exemple de Omar qui fut surnommé par le prophète lui de « El Farouk » et Abou Bakr dont le surnom prédominant était « Essiddik » c’est-à-dire le véridique.

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