Prière ou ivresse?

Le troisième appel céleste rencontré dans le chapitre des femmes comporte lui aussi deux parties. La première rentre dans le cadre particulier de l’interdiction de l’alcool qui comme chacun de nous le sait est intervenue par étapes successives. Elle représente la deuxième étape de ce processus. Les arabes, même après la venue du message divin, ont continué à consommer l’alcool jusqu’au moment où certains d’entre eux questionnèrent le prophète à son sujet et Dieu révéla le premier verset dans le chapitre génisse qui stipule que l’alcool est porteur de beaucoup de méfaits même si il peut présenter certains avantages. Nombreux furent alors les compagnons qui déduisirent de ce premier verset l’interdiction et s’en privèrent définitivement, mais d’autres n’y virent pas d’inconvénient et continuèrent à en consommer considérant que l’interdiction n’était pas formelle jusqu’au jour où l’un d’entre eux, enivré après avoir bu quelques verres, fut proposé pour guider la prière.. Il se révéla incapable de le faire et notre appel céleste arriva..

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ لاَ تَقْرَبُواْ الصَّلاَةَ وَأَنتُمْ سُكَارَى حَتَّىَ تَعْلَمُواْ مَا تَقُولُونَ
43. Ô croyants; n’approchez pas de la prière alors que vous êtes ivres, jusqu’à ce que vous compreniez ce que vous dites,

Naturellement, là aussi, l’interdiction ne fut pas considérée comme tranchée et beaucoup de compagnons du messager de Dieu se contentèrent d’éloigner la consommation d’alcool des moments de la prière jusqu’au jour où le verset de la table servie fut révélé. Nous y reviendrons dans le détail très prochainement..

Néanmoins, il est utile de noter que l’ivresse dont il est question a été expliquée de différentes manières. La plus plausible est celle secondaire à l’alcool ou toute autre substance enivrante, mais un certain nombre d’exégètes ont évoqué aussi l’état de pseudo ivresse dont est victime la personne qui tombe de sommeil et lui ont de ce fait déconseillé la prière jusqu’à ce qu’elle récupère. D’autres ont avancé que l’ivresse ici veut dire toute situation pouvant influer sur la concentration de celui qui va prier, telle la faim, la peur ou encore l’envie impérieuse d’aller aux toilettes. Ainsi l’individu ne fera sa prière qu’une fois capable de se diriger totalement et entièrement vers Dieu!

La deuxième partie du verset concerne un certain nombre de situations qui, comme l’ivresse, ne sont pas compatibles avec la prière et l’état de sacralisation qu’elle requiert..

وَلاَ جُنُبًا إِلاَّ عَابِرِي سَبِيلٍ حَتَّىَ تَغْتَسِلُواْ
et aussi quand vous êtes en état d’impureté – à moins que vous ne soyez pas chez vous – jusqu’à ce que vous ayez pris un bain rituel.

La première de ces situations est l’état d’impureté ou de « pollution » qui fait suite à un rapport sexuel. Les relations sexuelles dictent en Islam le bain rituel qui consiste à se laver en entier avec l’intention de se purifier.

Toutefois dans le cas où le bain est impossible pour une raison ou une autre des conditions de facilité sont accordées. Nous y reviendrons plus tard lorsque nous parlerons des ablutions dans le chapitre de la table servie.

Les autres situations incompatibles avec la prière sont citées successivement sans commentaire. La maladie par exemple peut empêcher une personne de faire ses ablutions alors que celles-ci sont obligatoires..

وَإِن كُنتُم مَّرْضَى
Et si jamais vous êtes malades

De même une personne en voyage peut venir à manquer d’eau et ne pas réussir à accéder aux ablutions. Elle peut tout simplement ne pas trouver d’eau et avoir besoin de refaire ses ablutions après que celles-ci aient été annulées par le fait de faire ses besoins, de faire ses gaz ou d’uriner ou encore après avoir eu des comportements amoureux avec son épouse, surtout si érection s’en est suivie ou si l’envie sexuelle fut importante.. Par contre le baiser anodin ainsi que la simple caresse n’annulent pas les ablutions..

أَوْ عَلَى سَفَرٍ أَوْ جَاء أَحَدٌ مِّنكُم مِّن الْغَائِطِ أَوْ لاَمَسْتُمُ النِّسَاء فَلَمْ تَجِدُواْ مَاء
ou en voyage, vous sortez des toilettes, ou avez eu des rapports sexuels et que vous ne trouviez pas d’eau,

Toutes ces situations sont comme nous l’avons dit incompatibles avec la prière mais la personne n’en est pas pour autant dispensée. Que faire alors ?

فَتَيَمَّمُواْ صَعِيدًا طَيِّبًا فَامْسَحُواْ بِوُجُوهِكُمْ وَأَيْدِيكُمْ
alors recourez à la terre pure, et passez-vous-en sur vos visages et sur vos mains

Cette façon de faire est spécifique à l’Islam qui reste réputée être une religion à la tolérance remarquable. Dans toutes ces situations si le croyant est à court d’eau ou malade, risquant de retarder sa guérison par l’utilisation de l’eau, a le droit d’user de l’alternative qui lui est proposée à savoir le recours à la terre pure comme symbole de purification avant la prière. Reste toutefois à définir ce que veut dire « terre pure ». Un grand débat a en effet eu lieu entre les érudits du fikh mais il semble que le consensus soit fait sur tout ce qui correspond à de la terre, du sable ou de la poussière propres. L’utilisation du galet par contre est sujet de controverse mais dans notre rite malékite elle est permise ainsi que celle de toute végétation propre sur terre comme le tronc d’un arbre par exemple. Ce recours, quoique symbolique, n’en demeure pas moins obligatoire pour faire sa prière jusqu’à ce que l’eau redevienne disponible ou que sa contre indication soit levée. Par ailleurs si le croyant venait à faire sa prière et que l’utilisation de l’eau redevienne possible avant que le temps réglementaire de cette prière ne se soit écoulé, il lui est conseillé de la refaire après ablutions sans que ce conseil ne soit une véritable obligation, car Dieu est Indulgent et Pardonneur comme cela est stipulé à la fin de ce même verset..

إِنَّ اللهَ كَانَ عَفُوًّا غَفُورًا (43)
Allah est en vérité Indulgent et Pardonneur.

Puisse t-Il nous faire bénéficier de Son Indulgence et de Son Pardon.

S'élever avec le Coran