Médisance

Le cinquième et dernier appel du chapitre des appartements traite lui aussi des relations entre membres d’une même communauté et s’adresse encore une fois aux croyants tout particulièrement. Il constitue une suite logique du précédent appel..

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا اجْتَنِبُوا كَثِيرًا مِّنَ الظَّنِّ إِنَّ بَعْضَ الظَّنِّ إِثْمٌ وَلَا تَجَسَّسُوا وَلَا يَغْتَب بَّعْضُكُم بَعْضًا
12. Ô croyants! évitez une grande partie de conjectures car certaines conjectures sont péchés. Et n’espionnez pas; et ne médisez pas les uns des autres.

On rapporte que ce verset renvoie à deux compagnons du Prophète qui médirent à propos de deux de leurs camarades. L’histoire eut lieu lors d’une des excursions militaires du prophète au cours desquelles il veillait à former des groupes incorporant chaque nécessiteux avec un groupe de compagnons plus aisés afin qu’il soit à leur service en échange d’avantages qu’ils pourraient lui procurer de par leur situation sociale, mais surtout dans le but d’instaurer un climat de fraternité et d’entre aide entre les différentes composantes de son armée. Il se trouve que cette fois-ci, Salman était au service de deux de ses camarades qui n’ayant pas trouvé de quoi manger lui suggérèrent d’aller demander au prophète de quoi les restaurer. Le prophète l’envoya se ravitailler chez Oussama qui était son intendant, mais ce dernier n’ayant rien trouver à leur proposer s’excusa, ce qui fit dire aux deux compères qu’il n’était qu’un avare. Puis non contents de traiter Salman de poisseux ils allèrent espionner Oussama pour s’assurer qu’il disait vrai, mais le messager de Dieu les aperçut dans leur besogne et leur dit d’un ton ironique: j’ai comme l’impression que vous avez mangez de la bonne viande aujourd’hui! Oh que non répondirent-ils nous n’en avons goûté pas une seule bouchée. Mais si rétorqua t-il vous avez passé votre temps à déguster la chair de Salman et de Oussama! Ainsi comprend-on que l’interdit visé dans ce verset n’est pas tant celui du doute mais plutôt de la suspicion exagérée qui pousse de facto le suspicieux à l’espionnage et automatiquement à la médisance. Sidna Mohammed  dit: « Ne soyez surtout pas suspicieux car la suspicion est le meilleur moyen de pousser quelqu’un à mentir. Ne vous espionnez pas mutuellement, ne vous disputez pas, ne vous haïssez pas et ne vous fâchez pas et soyez plutôt serviteurs et frères devant Dieu ». Ceci dit, il faut préciser que la suspicion dont il est question ne devient déconseillée que lorsqu’elle vise une personne connue pour son honnêteté et sa bonne conduite, et qui a priori ne se prêterait pas à des comportements indignes justifiant une quelconque méfiance à son égard, car cela reviendrait à l’offenser.

أَيُحِبُّ أَحَدُكُمْ أَن يَأْكُلَ لَحْمَ أَخِيهِ مَيْتًا فَكَرِهْتُمُوهُ
L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? vous en seriez dégoûtés

Et si cette image est réellement dégoûtante, ainsi devrait-il en être de la médisance. Autrement dit, dans nos relations quotidiennes, il est déconseillé de trop fouiner dans les défauts des autres afin de les mettre à tout prix à découvert. La discrétion est une qualité qui devra à chaque fois que possible prévaloir. Le prophète  a dit: « Plus tu poursuivras l’intimité des gens et plus tu as de chances de les perdre ». Ainsi tout jugement ne devra être porté que preuve à l’appui et seulement, quand tout équivoque est levé. On rapporte que quelqu’un vint dire à Abdallah ibn Messaoud qui était gouverneur de la ville de Koufa en Irak, untel sent le vin, et lui de répondre: « il nous est illicite d’espionner les gens ». Bien sûr si on dispose de preuves irréfutables contre quelqu’un on prendra les dispositions nécessaires. De la même façon, Abderrahman Ibn Aouf raconte qu’une fois, alors qu’il était en tournée de garde de nuit avec Omar Ibn Khattab dans les rues de Médine, ils entendirent des voix s’élever de l’intérieur d’une maison. Omar s’adressa alors à lui en disant: « c’est la maison de Rabia Ibn Omaya Ibn Khalaf, et ils sont certainement en train de boire du vin! qu’en penses-tu? » Abderrahman répondit alors: « je pense que nous sommes en train de faire ce que Dieu nous a interdit ; Dieu dit: « et n’espionnez pas » or nous sommes en train d’espionner! « Ce qui poussa Omar à rebrousser chemin et à ne pas donner suite à son plan. Par contre, lorsqu’il s’agit d’une personne connue par ses habitudes plutôt blâmables et qui de surcroît ne s’en gêne guère, l’attitude à adopter envers lui est de se mettre sur ses gardes et de prendre toutes ses dispositions pour ne pas faire les frais de ses éventuels coups bas. Le prophète  dit en effet à ce sujet :
Dénoncez les fauteurs de troubles afin que les gens s’en méfient et soient sur leur garde

Enfin, à coté de l’espionnage il apparaît aussi que la médisance, quelque soit sa forme constitue un vilain défaut voire même un péché capital qu’il convient de combattre en soi énergiquement. Le prophète  l’a en effet formellement déconseillée quand il posa la question suivante :

Savez vous ce que c’est que la médisance ; c’est mettre en exergue ou citer les défauts d’autrui alors qu’il n’est pas pour se défendre !

Ils rétorquèrent, et si jamais ce qu’on dit est vrai?

C’est bien de cela que je parle répondit-il, car si ce que vous rapportez n’est pas vrai cela est encore pire que la médisance

Ainsi peut-on dire qu’il existe trois types de médisance tous illicites :
– Citer un défaut réel en l’absence de celui qui le porte
– Relater un défaut qui est rapporté par quelqu’un d’autre
– Dire du mal de quelqu’un alors qu’il en est tout à fait innocent

Seulement pour arriver à ce niveau d’éducation, il faut d’abord être imprégné par la foi et par la piété, et c’est pourquoi Dieu dit en fin de parcours du verset:

وَاتَّقُوا اللَّهَ إِنَّ اللَّهَ تَوَّابٌ رَّحِيمٌ {12}
Et craignez Allah. Car Allah est Grand Accueillant au repentir, Très Miséricordieux

Puisse Dieu agréer le repentir de chacun d’entre nous.

S'élever avec le Coran