Gentils, corrects et convenables

Le verset n°19 du chapitre des femmes nous fait entrer dans le domaine de la société et tout particulièrement dans celui de la famille par la grande porte. Dieu y dit :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ لاَ يَحِلُّ لَكُمْ أَن تَرِثُواْ النِّسَاء كَرْهًا
19. Ô croyants; il ne vous est pas permis d’hériter les femmes contre leur gré

La relation homme-femme occupe dans le Saint Coran une place privilégiée et Dieu appelle ici les hommes à adopter un comportement décent et des plus civilisés envers leurs conjointes qui représentent comme tout le monde le sait la plus précieuse des deux moitiés de la société. Il s’agit d’un appel qui survient après tout un discours sur l’héritage, et ce qui en découle, ainsi que sur certaines règles devant gérer la société musulmane.

La raison pour laquelle ce verset fut révélé est que les arabes à l’époque du prophète avaient pris l’habitude de compter les femmes dans l’héritage légué par leurs parents. Ainsi quand l’un d’eux mourrait sa femme revenait au plus proche de ses héritiers serait-ce même son fils ! Du coup elle n’avait plus aucun droit sur elle-même et ses parents n’étaient plus en mesure de la récupérer chez eux ! Certains poussaient même cette plaisanterie de mauvais goût encore plus loin..

وَلاَ تَعْضُلُوهُنَّ لِتَذْهَبُواْ بِبَعْضِ مَا آتَيْتُمُوهُنَّ
Et ne les empêchez pas de se remarier dans le but de leur ravir une partie de ce que vous leur aviez donné

Une règle était même en vigueur puisque le fils du défunt avait la latitude de jeter sa cape sur l’épouse de son père pour signifier qu’il se l’appropriait. En jetant sa cape sur la veuve, l’héritier se l’appropriait et la laisser à sa guise, chez lui, prisonnière de son sort jusqu’à ce qu’elle trouve les moyens de racheter sa liberté ou qu’il daigne la marier de nouveau. Non seulement, il gardait la dot qui avait été octroyée par le défunt à son épouse mais il touchait en plus une prime supplémentaire en exigeant qu’elle se rachète auprès de lui en lui remettant l’argent qu’elle a hérité de son mari. Autrement dit, le comble de l’injustice ! Néanmoins cette raison ne doit pas nous faire considérer ce verset comme étant limité à cette unique situation. Son sens est bien plus large et la logique veut qu’il vise toute injustice ou tout tort pouvant être portés aux femmes. Le Prophète  nous apprend dans un de ses hadiths que le meilleur d’entre nous est celui qui se comporte le mieux avec son épouse. Ceci dit la femme, aussi, est appelée à respecter certaines limites en toute justice..

إِلاَّ أَن يَأْتِينَ بِفَاحِشَةٍ مُّبَيِّنَةٍ
A moins qu’elles ne viennent à commettre un péché prouvé

Quand bien même l’homme serait bon avec son épouse celle-ci ne devrait pas profiter outre mesure de cette situation pour faire ce que bon lui semble. Et au cas où elle se rendrait coupable d’un péché grave, entachant la vie du couple elle devrait se préparer alors à en assumer les conséquences. Comme, par exemple, la mesure répressive citée ici à savoir la restitution de la dot à son mari avant la séparation si celle-ci devait survenir. Mais quoiqu’il en soit le plus gros morceau de responsabilité revient à l’homme puisque Dieu dit juste après cette parenthèse :

وَعَاشِرُوهُنَّ بِالْمَعْرُوفِ
Et comportez-vous convenablement avec elles

Je voudrais à ce niveau résumer ce qu’a écrit El Kortobi à propos de cette partie du verset : « Le comportement ici concerne tout le monde, tuteurs et maris, et à plus forte raison ces derniers qui sont invités à ne pas être avares lorsqu’ils déboursent quelques sous pour leurs femmes. Ils sont appelés à ne pas faire systématiquement preuve de colère pour un oui ou pour un non, et leur discours avec elles se doit d’être gentil et doux afin que la relation se pérennise et que l’amour soit réel ». Car en fait le but est bel et bien celui la. Puis l’imam El Kortobi rajoute dans son interprétation : « En outre l’époux devra s’appliquer à adopter les comportements qui plaisent à son épouse exactement comme lui attend d’elle » en prenant comme référence Abdallah Ibn Abbés qui a dit : « J’aime me faire beau pour ma femme exactement comme j’attends cela d’elle ». D’où la conclusion suivante tirée par El Kortobi lui-même à partir des dires de certains érudits du rite malékite:

Si la femme n’est heureuse chez elle qu’en présence d’une domestique, il est du devoir de son mari de lui en procurer.. et si jamais une seule domestique ne lui suffit pas, l’époux se fera un plaisir de lui en débrouiller une deuxième ! quoique cette dernière affirmation ne soit pas consensuelle.

L’essentiel est de veiller à faire plaisir à son épouse autant que possible tant que cela ne va pas à l’encontre des enseignements divins tout en se rappelant que personne n’est parfait et que par conséquent si l’on est amené à détester un comportement chez son conjoint, bien d’autres sont louables, et la loi du pour et du contre ne doit pas être mise en défaut.

فَإِن كَرِهْتُمُوهُنَّ فَعَسَى أَن تَكْرَهُواْ شَيْئًا وَيَجْعَلَ اللهُ فِيهِ خَيْرًا كَثِيرًا (19)
Et si vous haïssez quelque chose en elles, il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose qu’Allah a par ailleurs dotée de beaucoup de bien

Aussi avant de prendre une quelconque décision de divorce, souvent injuste, le croyant est appelé à réfléchir par deux fois pour ne pas avoir à la regretter plus tard !

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