Egoïstes, écartez vous!

Nous sommes encore une fois au rendez-vous du djihad. Mais cette fois ci l’appel concerne certaines règles essentielles de bienséance qui doivent prévaloir dans le comportement du musulman vis-à-vis de son adversaire.

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ إِذَا ضَرَبْتُمْ فِي سَبِيلِ اللّهِ فَتَبَيَّنُواْ
94. Ô croyants! Lorsque vous allez en lutte pour la cause d’Allah, ne vous hâtez pas (en besogne)

Ce verset fut révélé après qu’un groupe de musulmans qui étaient en voyage rencontrèrent un bonhomme en possession de quelques marchandises qu’il vendait. Celui-ci les salua et cantonna la profession de foi afin de leur montrer qu’il était musulman tout comme eux mais un membre du groupe sous prétexte que le vendeur n’était pas vraiment musulman et que son salut n’était qu’une ruse pour leur échapper, l’attaqua par surprise, le tua et prit sa marchandise. Lorsque le prophète fut informé de l’histoire, il s’en trouva fort embarrassé et ne l’apprécia guère. Il alla donc en détachement s’excuser auprès de la famille du défunt de cette bavure dont il n’était en réalité pas responsable. Il leur versa également le prix du sang comme dommages et intérêts, et leur restitua les biens qui avaient été extorqué à la victime. Le verset arriva alors pour soutenir ce bon comportement du messager de Dieu et définir la position de l’Islam vis-à-vis de ces agissements pour le moins qu’on puisse dire irresponsables..

L’objectif du djihad, nous l’avons déjà dit, n’est pas de procéder à des razzias arbitraires, des tueries injustes ou de semer la terreur parmi les populations mais plutôt de protéger les opprimés contre leurs oppresseurs, de sauver l’humanité de la mécréance, et de hisser bien haut le drapeau d’Allah pour que règne justice, paix, amitié et tolérance. Une fois ces buts atteints le djihad n’a plus lieu d’être et le fait de tuer devient illicite et donc sévèrement réprimandé. Le musulman se doit avant de porter atteinte à quelqu’un de s’assurer qu’il s’agit premièrement d’un ennemi réel et non supposé et que deuxièmement il représente un danger imminent pour la cause de Dieu. Et c’est pourquoi l’Islam interdit d’achever un blessé devenu inoffensif ou de tuer une femme, un enfant ou un vieillard même en temps de guerre.

Ainsi déduit-on que la vie humaine en Islam n’a pas de prix, combien même la personne ne serait pas musulmane.. Pour peu qu’elle présente des gages de paix, il devient illicite pour le musulman de lui porter préjudice. Combien même ce préjudice serait porteur de gains matériels, le musulman est appelé à placer la barre très haut et se doit toujours d’avoir à l’esprit que la récompense divine aux véritables pieux est bien plus importante que ce qu’il est sensé gagner ici bas en passant à l’acte..

وَلاَ تَقُولُواْ لِمَنْ أَلْقَى إِلَيْكُمُ السَّلَمَ لَسْتَ مُؤْمِنًا تَبْتَغُونَ عَرَضَ الْحَيَاةِ الدُّنْيَا فَعِندَ اللّهِ مَغَانِمُ كَثِيرَةٌ
Et ne dites pas à quiconque vous adresse le salut : tu n’es pas croyant, convoitant les biens de la vie ici-bas. Or c’est auprès d’Allah qu’il y a beaucoup de butin

D’ailleurs cet appel à rester serein et à ne pas se hâter en besogne apparaît très bien dans cette affaire quand le Prophète eut dit à celui qui a tué le bonhomme :

Puisque tu a pensé qu’il s’agit d’un faux croyant pourquoi n’as-tu pas ouvert son cœur pour t’assurer de sa sincérité!!

Mais le problème n’est pas là. Il ne s’agit pas de s’assurer de la sincérité des gens car nous n’en n’avons pas les moyens mais ce qu’il faut comprendre ici c’est que le musulman doit toujours se rappeler qu’avant de le devenir il était lui aussi égaré et tout compte fait, il aurait été à la place de la victime il n’aurait pas aimé que sa vie soit mise en jeu aussi bêtement et aussi facilement. C’est pourquoi l’ordre de ne pas se hâter en besogne jusqu’à y voir plus clair ce répète une deuxième fois..

كَذَلِكَ كُنتُم مِّن قَبْلُ فَمَنَّ اللّهُ عَلَيْكُمْ فَتَبَيَّنُواْ
Ainsi étiez-vous auparavant; puis Allah vous a accordé Sa grâce. Ne vous hâtez donc pas.

Le musulman est censé reconnaître le bienfait divin selon lequel il est devenu musulman puis de louer Allah pour Ses bienfaits. Et le meilleur moyen de faire acte de cette louange est d’être disposé à partager ce bienfait précis avec autrui.

A partir de tout cela nombre d’érudits ont déduit une règle très importante du fikh islamique selon laquelle le musulman, sachant que ne pouvant être sûr de l’intention réelle d’une personne il lui est nécessaire de s’en tenir à ses paroles et de faire avec. Il ne peut émettre de jugement sur une personne gratuitement qu’après avoir eu les preuves nécessaires pour porter ce jugement.

إِنَّ اللّهَ كَانَ بِمَا تَعْمَلُونَ خَبِيرًا {94}
Allah est certes parfaitement Connaisseur de ce que vous faites.

Il est certes parfaitement Connaisseur de ce qu’on fait mais également de ce qu’on cache et de ce qu’on pense et c’est pourquoi certains exégètes considèrent cette fin de verset comme non pas une information sur la réalité divine mais la voient comme une réelle menace destinée à faire adopter le musulman dans sa vie, un système de réflexion sereine qui jouerait le rôle de garde fou par rapport à toute bavure qu’il serait amené à commettre.

Prions Allah de nous épargner de telles dérives.. Et que toute injustice dont nous pourrions être responsables nous soit évitée. Amen

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