Désertion!

Nous entamons par la grâce de Dieu la série d’appels célestes que l’on rencontre dans le chapitre des prises de guerre « Al Anfal ». Souvenons-nous que jusqu’ici nous avons étudié 43 appels tous compris dans les 4 premiers chapitres du saint Coran, après « la Fatiha », et que sont les chapitres de la génisse (11 appels), de la famille d’Amram (7 appels), des femmes (9 appels) et de la table servie (16 appels). Curieusement les sixième et septième chapitres à savoir celui des bestiaux et celui des estrades ne comportent pas d’appels célestes destinés aux croyants. Contrairement aux chapitres précédemment cités, ces deux chapitres ont été révélés avant l’Hégire et la majorité des exégètes du Livre Saint est d’accord pour expliquer ceci par le fait que tous les chapitres qui ont été révélés très tôt dans l’histoire du message divin correspondent à une époque où les croyants n’étaient pas très nombreux et psychologiquement pas encore prêts à recevoir de commandements. C’est pourquoi l’appel qui y prévaut est plutôt : Ô gens et non pas Ô croyants. Le premier appel qui s’adresse aux croyants dans le chapitre des prises de guerre concerne naturellement le djihad..

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ إِذَا لَقِيتُمُ الَّذِينَ كَفَرُواْ زَحْفاً فَلاَ تُوَلُّوهُمُ الأَدْبَارَ {15} 15. Ô croyants! quand vous êtes en guerre et que vous rencontrez les mécréants, ne leur tournez point le dos

Il s’agit ici de se mettre à l’abri de la désertion, considérée par l’Islam comme péché capital, passible de compromettre l’avenir ici bas, et surtout dans l’au delà de celui qui le commet. Il faut néanmoins nuancer cette affirmation et se garder de généraliser ou de porter des jugements à tort et à travers. Toute désertion ne peut en effet être systématiquement considérée comme telle. Les règles de la guerre doivent être respectées et les forces en présence doivent être prises en considération avant de condamner tel ou untel ou de juger telle ou telle situation. L’Islam, comme chacun de nous le sait, n’a jamais invité ses adeptes au suicide collectif ni individuel d’ailleurs. Bien au contraire, si jamais le rapport des forces en présence s’avère en faveur de l’adversaire il est clair que le retrait, considéré alors comme stratégique, devient plus qu’indiqué. En fait l’interdiction de fuir devant l’ennemi n’est effective que quand l’effectif de ce dernier est inférieur au double de celui des musulmans conformément à un autre verset de ce même chapitre qui dit:

الآنَ خَفَّفَ اللّهُ عَنكُمْ وَعَلِمَ أَنَّ فِيكُمْ ضُعْفًا فَإِن تَكُن مِّنكُم مِّئَةٌ صَابِرَةٌ يَغْلِبُواْ ماِئَتَيْنِ وَإِن يَكُن مِّنكُمْ أَلْفٌ يَغْلِبُواْ أَلْفَيْنِ بِإِذْنِ اللّهِ وَاللّهُ مَعَ الصَّابِرِينَ {66}

66. Maintenant, Allah a allégé votre tâche, sachant qu’il y a de la faiblesse en vous. S’il y a cent endurants parmi vous, ils vaincront deux cents; et s’il y en a mille, ils vaincront deux mille, par la grâce d’Allah. Allah est avec les endurants

Par conséquent toute fuite durant la guerre ne peut être considérée comme désertion sauf toutefois si le nombre des musulmans dépasse les 12000, auquel cas la dérogation devient nulle et non avenue. Néanmoins, les musulmans ne devraient pas prendre les choses à la légère. A chaque fois qu’ils sont capables de résister, ils sont dans l’obligation de le faire, quitte à y laisser leur peau, car dans des situations pareilles ils doivent s’armer d’endurance car souvent la main du destin ne tarde pas à intervenir pour donner la victoire au moins équipé, et contre toute attente, pour peu que sa foi en sa mission soit solide et bien scellée. L’armée de David  n’a-t-elle pas, à la surprise générale, vaincu celle de Goliath avec très peu de moyens. N’est-ce pas aussi le cas de la bande du prophète qui en l’an II de l’Hégire, sur la plaine de Badr, a réussi à vaincre, par la grâce de Dieu, une armée au moins trois fois plus nombreuse qu’elle et de loin mieux armée et aguerrie à la lutte. Et pour qui dirait qu’il s’agit là de deux exemples concernant des prophètes de Dieu soutenus franchement par leur Seigneur, l’on peut rétorquer que l’Histoire de l’humanité foisonne d’exemples de ce même type. Tareq Ibn Zyad lors de sa conquête de l’Andalousie était accompagné de 1700 hommes. Il eut à combattre, une fois le détroit traversé, une armée de 70000 hommes et pourtant grâce à sa foi et au courage des siens il parvint à vaincre l’ennemi. Par conséquent dans des circonstances qui ne justifient pas l’abandon des positions, la désertion devient réellement un péché de gros calibre passible de réprimande de la part de Dieu et c’est pourquoi il est précisé :

وَمَن يُوَلِّهِمْ يَوْمَئِذٍ دُبُرَهُ إِلاَّ مُتَحَرِّفاً لِّقِتَالٍ أَوْ مُتَحَيِّزاً إِلَى فِئَةٍ فَقَدْ بَاء بِغَضَبٍ مِّنَ اللّهِ

16. Quiconque, ce jour-là, leur tourne le dos, – à moins que ce soit par tactique de combat, ou pour rallier un autre groupe, – celui-là encourt la colère d’Allah

Le discours est donc on ne peut plus clair. La colère de Dieu s’abattra sur quiconque se comportera, par jour de guerre, en véritable poltron alors qu’il est justement venu avec l’idée de défendre ses couleurs. Autrement dit quand une personne, en son âme et conscience, décide de faire le djihad, elle n’a plus le droit de faire marche arrière car il en va encore une fois de la responsabilité assumée en toute liberté sachant que nous avons déjà discuté l’intransigeance de l’Islam vis-à-vis du non respect des engagements. Par ailleurs il serait illogique de dire, comme certains l’ont fait, que ce verset ne concerne que le jour de la bataille de Badr et que par conséquent la désertion ne pose pas de problème. Il ne peut en fait être que général. Le prophète  dit d’ailleurs dans un authentique hadith: « Evitez les sept péchés compromettants à savoir : le polythéisme, la magie, le meurtre sauf de droit, l’usure, la dilapidation des biens de l’orphelin, la désertion et le fait de prétendre sans preuve qu’une femme croyante et innocente a commis l’adultère ». Le déserteur ne pourra donc aspirer à un autre refuge que celui de l’enfer sauf si son repli est réellement stratégique auquel cas Allah est Omniscient..

وَمَأْوَاهُ جَهَنَّمُ وَبِئْسَ الْمَصِيرُ {16}

et son refuge sera l’Enfer. Et quelle mauvaise destination !

Naturellement, le déserteur comme tout autre pécheur, a toujours la possibilité de se repentir. Et Allah sera toujours disposé à agréer son geste et l’accueillir dans le monde des nantis. Le prophète  a dit d’après le rapport d’abou Daoud et Etthirmidhi:

مَنْ قالَ أسْتَغْفِرُ الله الَّذِي لاَ إِلَهَ إِلاَّ هُوَ الْحَيُّ الْقَيُّومُ وَأَتُوبُ إِلَيْهِ، غُفِرَ لَهُ وَإِن كَانَ فَرَّ مِنَ الزَّحْفِ Quiconque dit : je me repens devant Allah, le seul et unique Dieu, le vivant, celui qui subsiste par Lui-même, et Lui demande de me pardonner, sera expié de ses péchés quand bien même aurait-il déserté

Pour notre part nous ne pouvons que dire la même chose et guetter la grâce divine!

S'élever avec le Coran