Confiance trahie

L’appel que nous analyserons ici vient lui aussi, dans la foulée de celui qui le précède. Après avoir incité les croyants à l’obéissance puis à l’observance de ses prescriptions, voilà que le discours coranique met en garde contre la trahison..


يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ لاَ تَخُونُواْ اللّهَ وَالرَّسُولَ

27. Ô croyants! Ne trahissez pas Allah et le Messager,

Ce verset aurait été révélé au décours de la bataille du fossé, en l’an V de l’hégire, à l’occasion de l’affaire des juifs des bani Qoraydha qui vivaient dans un des quartiers de la périphérie de Médine. Ayant suivi avec satisfaction le mois de siège imposé par les qorayshites aux musulmans, ils décidèrent de saisir la faiblesse de ces derniers pour marquer quelques points et peut être même leur porter le coup de grâce. Ils rompirent donc unilatéralement le pacte qui les liait aux musulmans. Seulement la nouvelle ne tarda pas à parvenir au messager de Dieu qui leur envoya illico Abou Loubaba ibn Abdel Moundhir avec pour mission de s’enquérir de la situation et ce avant qu’il ne prenne une quelconque décision à leur encontre qui pourrait s’avérer injuste au cas où la rumeur ne serait pas vérifiée. Abou Loubaba était un proche allié des bani qoraydha. Il commerçait avec eux et avait même des liens de parenté et des biens chez eux. Il jouissait par conséquent d’une certaine confiance de leur part et n’eut pour ainsi dire aucune difficulté à leur soutirer leurs réelles intentions. Il réalisa donc très vite compte leur trahison et essaya, de par les liens qui les réunissaient, de négocier mais n’obtint rien. Lorsqu’il voulut repartir ils lui demandèrent avec dédain: quand bien même nous nous soulèverions contre Mohammed que peut-il donc nous arriver? Et sans s’en rendre compte il leur révéla le sort qui leur serait réservé en passant sa main sur sa gorge comme signe de condamnation à mort. Or dès qu’il eut fait ce geste, il réalisa qu’il venait de trahir la confiance du prophète. Il regretta donc son agissement et voulut se repentir. Pour cela il ne trouva d’autre moyen que d’aller à la mosquée, sans même rendre compte de sa mission, et s’attacher à une des poutres du lieu saint. Il décréta alors une grève de la faim et de la soif jusqu’à ce que mort s’ensuive ou que son repentir soit accepté. Il resta ainsi attaché, dit-on, durant six jours et au bout d’une petite semaine il fut délivré par la révélation suivante :


وَآخَرُونَ اعْتَرَفُواْ بِذُنُوبِهِمْ خَلَطُواْ عَمَلاً صَالِحًا وَآخَرَ سَيِّئًا عَسَى اللّهُ أَن يَتُوبَ عَلَيْهِمْ إِنَّ اللّهَ غَفُورٌ رَّحِيمٌ {102}

102. D’autres, ayant mêlé de bonnes actions à d’autres mauvaises, reconnurent leurs péchés, peut être qu’Allah accueillera t-il leur repentir. Allah est certes Pardonneur et Miséricordieux

Néanmoins et quoiqu’il en soit le verset comme bien d’autres ne peut être rattaché à ce seul et unique évènement. Il concerne de facto la trahison en général de quelque type soit-elle. Les croyants doivent saisir que la trahison n’est pas un comportement qui convient et que toute confiance placée en eux fait fonction d’engagement qu’ils sont appelés à honorer en toute honnêteté. Et c’est pour cela que Dieu dit après:


وَتَخُونُواْ أَمَانَاتِكُمْ وَأَنتُمْ تَعْلَمُونَ {27}

Et ne trahissez pas sciemment la confiance qu’on a placée en vous alors que vous savez.

Tout ce qui peut être mis entre les mains du croyant doit pouvoir être utilisé de la meilleure manière et arriver à bonne destination. Qu’il s’agisse de mission qu’on lui confie, de parole qu’il détient ou de biens matériels mis à sa disposition, le musulman n’a pas le droit d’en faire une utilisation personnelle ou suspecte. Il ne peut en faire que bonne utilisation, c’est-à-dire celle pour laquelle le bien qu’il a entre les mains lui a été remis. Il est inconcevable qu’un musulman puisse trahir la confiance placée en lui ou encore voler un objet qui lui a été remis ou détériorer une chose dont la garde lui a été confiée. Car cela reviendrait de fait, à lui faire renier sa foi et par conséquent le faire compter au nombre des hypocrites. Sidna Mohammed  ne dit-il pas dans un hadith authentique rapporté par les imams El Boukhari et Muslim:
Les symptômes de l’hypocrite sont au nombre de trois:
• Le mensonge dans son discours
• Le laxisme dans ses rendez-vous
• La trahison quand confiance est placée en lui
Naturellement la trahison ne peut être prise au comptant sauf si elle est préméditée ou se produit sciemment. Néanmoins le croyant devrait apprendre à faire attention avant de transmettre une quelconque nouvelle ou avant d’agir de quelque façon que ce soit car en fait la vie ici bas ne mérite pas qu’on lui accorde autant d’avidité :


وَاعْلَمُواْ أَنَّمَا أَمْوَالُكُمْ وَأَوْلاَدُكُمْ فِتْنَةٌ

28. Et sachez que vos biens et vos enfants ne sont qu’une épreuve

Quand bien même un proche serait-il partie prenante dans une affaire ceci ne devrait pas influencer le jugement du musulman qui par définition ne cherche que la justice même quand celle-ci va à l’encontre de ses intérêts personnels ou de ceux des siens. Les biens personnels et les proches ne devraient pas être une raison à même de mener un croyant à sa propre perte. Quand ses intérêts personnels ou ceux de sa famille butent contre ceux de sa religion, le croyant doit être en mesure de mettre le tout en balance et de définir ses réelles priorités sachant que l’intérêt de la foi est toujours sensé prévaloir. Le prophète Sidna Mohammed  nous apprend :
Quand trois caractéristiques prévalent chez une personne, elle goûte réellement aux délices de la foi : quand Allah et son messager sont pour elle une priorité absolue par rapport à toute autre chose, quand elle aime une personne uniquement pour l’amour qu’elle porte à Allah, et quand elle préfère être jetée au feu plutôt que de renier sa foi
Par ailleurs la perspective d’une délicieuse rétribution reste une motivation certaine pour vaincre ses envies ici bas surtout quand elles se télescopent avec les intérêts de la foi..


وَأَنَّ اللّهَ عِندَهُ أَجْرٌ عَظِيمٌ {28}

et qu’auprès d’Allah il y a une énorme récompense

Puisse Allah nous procurer la foi nécessaire qui nous fasse parvenir à un tel niveau.

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