La chasse

Nous sommes ici au rendez-vous d’un appel qui trouve son complément de sens dans un deuxième qui vient immédiatement après lui. Dieu dit:

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ لَيَبْلُوَنَّكُمُ اللهُ بِشَيْءٍ مِّنَ الصَّيْدِ تَنَالُهُ أَيْدِيكُمْ وَرِمَاحُكُمْ لِيَعْلَمَ اللهُ مَن يَخَافُهُ بِالْغَيْبِ
96. Ô croyants ! Allah va certainement vous éprouver par quelque gibier à la portée de vos mains et de vos lances. Ainsi, Allah fera t-Il paraître ceux qui le craignent sans l’avoir vu (au préalable)

L’épreuve en Islam est une pratique courante dont l’objectif est de distinguer les vrais des faux croyants. Elle peut, en fonction du moment, de l’endroit et des circonstances dans lesquels elle survient, revêtir de multiples aspects et prendre des visages tout à fait différents. Citons quelques exemples afin de nous éclairer :

  • Ce peut être l’interdiction d’une pratique que l’individu aime exercer comme dans le cas présent afin de démasquer les non obéissants.
  • Elle peut revêtir également l’aspect d’une libéralisation ou d’une autorisation quelconque qui mettra à découvert ceux qui refusent de reconnaître à Dieu Ses bienfaits et s’abstiennent de faire Sa louange.
  • Enfin il peut s’agir d’un malheur ou d’un gros problème – tel un décès dans l’entourage, un accident, une blessure, une perte d’argent – destiné à la mise en valeur de ceux qui, confiants dans la rétribution finale, sans l’avoir a priori palpée, s’arment de patience et d’endurance devant le sort qui leur est réservé par opposition bien sûr à ceux qui ne supportent rien et se révoltent contre ce même sort pour un oui ou pour un non.
  • Notons ici que la notion de crainte de Dieu « sans l’avoir vu » est très importante à considérer car tout le mérite de la foi est bel et bien celui-ci. Croire en quelque chose de non palpable grâce, comme qui dirait, à un sixième sens et faire comme si on la voyait vraiment. Le prophète Sidna Mohammed  a très bien résumé la situation lorsqu’il lui a été demandé de définir l’obligeance envers Dieu. Il dit:

    C’est de L’adorer exactement comme si nous Le voyions tout en sachant que si nous ne Le voyons pas réellement, Lui, nous voit certainement

    Allah rétribue largement celui qui pratique régulièrement cette obligeance. Le croyant n’a, en effet, pas besoin de témoin pour faire preuve de sa piété. Sa seule conscience lui suffit et sa foi y préside. Il accomplira donc ses devoirs sans que personne d’autre que Dieu ne le lui demande et il s’abstiendra volontiers de transgresser les lois quand bien même serait-il loin des regards des autres. C’est exactement ce que demande l’Islam en appelant les gens à la piété. N’est-ce pas là une qualité, que celle de pouvoir s’autocontrôler à chaque fois qu’on décide de passer à l’action. Quelles conséquences extraordinaires cela pourrait-il avoir pour la société si tout le monde venait à appliquer cet autocontrôle. Revenons-en maintenant à notre discours sur l’épreuve. Allah dit dans un passage du chapitre de la toile d’araignée :


    الم {1} أَحَسِبَ النَّاسُ أَن يُتْرَكُوا أَن يَقُولُوا آمَنَّا وَهُمْ لَا يُفْتَنُونَ {2} وَلَقَدْ فَتَنَّا الَّذِينَ مِن قَبْلِهِمْ فَلَيَعْلَمَنَّ اللهُ الَّذِينَ صَدَقُوا وَلَيَعْلَمَنَّ الْكَاذِبِينَ {3}

    1. A L M. 2. Les gens pensent-ils qu’il leur serait permit de dire: nous avons la foi sans qu’ils soient éprouvés pour autant ? 3. Nous avons certes éprouvé leurs prédécesseurs ; [ainsi] Allah met-il en exergue ceux qui disent la vérité et dénonce ceux qui mentent

    Allah éprouve donc les gens non pas dans le but de savoir qui d’entre eux est sincère dans sa foi comme nous pouvons être portés à le croire quand on lit le verset pour la première fois mais pour mettre à découvert leur réalité et justifier toute décision de réprimande à l’encontre des contrefacteurs. Dieu n’a pas besoin de savoir pour Lui-même car Il sait tout par avance ! Par contre, l’homme dénigreur de nature, a besoin de preuves irréfutables au cas où il s’aviserait à renier ses comportements mesquins ici bas. Rappelons que parmi les attributs de Dieu, une Justice totale ne pouvant souffrir la transgression si petite soit-elle. Souvenons-nous qu’Allah avait interdit aux enfants d’Israël de travailler le samedi et de ne s’occuper que des affaires du culte durant cette journée. Il les éprouva ensuite en faisant en sorte que la pêche au poisson ne soit fructueuse que ce jour là afin de démasquer ceux qui n’obéissent pas à ses ordres. D’aucun ne sut résister à la tentation de pêcher le samedi et ceux qui feignirent de respecter la consigne posèrent leur filet de pêche le vendredi soir pour ne le reprendre que le dimanche matin ! L’échec de bon nombre était donc consommé. De la même façon, Allah éprouva les croyants en leur imposant un certain nombre de contraintes dont celle au menu d’aujourd’hui. La chasse représentait pour les arabes de l’époque un moyen de subsistance et de loisir très prisé. En la leur interdisant, quoiqu’à un moment bien précis qu’est celui de l’état de sacralisation au moment du pèlerinage, et ce dans des frontières bien définies que sont celles de la Mecque, Allah leur donnait l’occasion de faire preuve de leur foi en se pliant à cette nouvelle exigence. Ainsi tout croyant entrant à la Mecque se devait, et se doit d’ailleurs toujours, de ne pas chasser son gibier ni couper ses arbres fruitiers. De même, en se sacralisant il s’interdit cette pratique de façon absolue même en dehors des limites du lieu saint. Remontons un peu plus loin vers les circonstances ayant présidé à la révélation du verset pour mieux comprendre. Ce verset ainsi que celui qui suit furent révélés en réponse aux questions que se sont posées les compagnons lors du pèlerinage de l’an VI de l’hégire quand une fois arrivés à « El houdhaibya » ils furent empêchés par les qorayshites de rentrer en ville. Ils divergèrent alors au sujet de la chasse et de la consommation de ses produits, d’autant qu’ils furent selon certaines sources envahis par un grand nombre d’oiseaux qu’ils pouvaient attraper avec une étonnante facilité sans même avoir à les chasser. L’épreuve était donc assez corsée puisque le gibier se trouvait à portée de mains et n’exigeait donc aucun effort de leur part pour être attrapé. Par conséquent, pour prouver la sincérité de leur foi et leur amour envers Dieu, ils durent s’abstenir de chasser même si la tentation d’attraper une proie aussi facile était grande. Leur foi devait donc être solide pour réussir une telle épreuve et ne pas tomber dans l’abîme de la mécréance dont le seuil est représenté par toute transgression qui risque toujours d’être durement réprimée, sauf bien sûr si elle est rattrapée par le repentir..

    فَمَنِ اعْتَدَى بَعْدَ ذَلِكَ فَلَهُ عَذَابٌ أَلِيمٌ {96}
    Quiconque, après cela, transgresse aura un douloureux châtiment

    S'élever avec le Coran