Bel et bien licite

Le dixième appel aux croyants que l’on rencontre dans le chapitre de la table servie concerne de nouveau la logique du licite et de l’illicite à laquelle nous avons déjà fait allusion dans le chapitre de la génisse et qui naturellement relève de Dieu et de Lui Seul. Ainsi quand une chose est rendue licite par Allah, l’homme ne peut décréter son interdiction et vice versa. Dieu dit :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ لاَ تُحَرِّمُواْ طَيِّبَاتِ مَا أَحَلَّ اللّهُ لَكُمْ
87. Ô croyants! Ne déclarez pas illicites les délices qu’Allah vous a rendues licites

La cause de révélation de ce verset serait selon nombre d’interprètes du Coran que certains compagnons du prophète dont Abou Bakr, Ali Ibn abi Talib, Abdallah ibn Messaoud, Abou dhar et Abdallah ibnou Omar se réunirent avec Al Mikdad Ibn Al Assouad et Salem l’allié de Abou Houdhaifa chez Othman Ibn Mathôun. Ils se mirent d’accord que dorénavant ils jeûneraient chaque jour pendant toute l’année et qu’ils veilleraient toutes les nuits en prière. Ils décidèrent en outre de ne plus dormir que parterre, de ne plus consommer les bonnes choses comme la viande, de ne plus se vêtir que d’habits raccommodés et de ne plus toucher aux délices de la vie sexuelle mais lorsque le prophète  eut vent de l’affaire il leur déconseilla de passer à l’acte arguant du fait que lui-même, malgré sa piété qui dépasse certainement la leur, faisait tout ce que eux voulaient bannir et il leur fit savoir qu’il profitait le plus normalement de la vie. C’est alors que le verset arriva leur apprenant que vouloir trop en faire en matière de religion peut être cause de résultats pervers..

وَلاَ تَعْتَدُواْ إِنَّ اللّهَ لاَ يُحِبُّ الْمُعْتَدِينَ {87}
Et n’exagérez point. Allah n’aime pas ceux qui exagèrent et transgressent

L’Islam est en effet une religion de juste milieu qui ne tolère ni l’excès ni le défaut. L’Islam prône tout simplement la bonne foi et ne demande que la bonne intention. Il n’exige de l’action que celle dont la personne est effectivement capable. Dieu dit :

لَا يُكَلِّفُ اللَّهُ نَفْسًا إِلَّا مَا آتَاهَا
Dieu n’impose à la personne que ce dont elle a la possibilité

Othman Ibn mathoûn chez qui la réunion précitée avait eut lieu, voulut se faire moine et délaissa son épouse qu’il n’approchait plus. Elle alla s’en plaindre chez le prophète qui s’empressa de lui interdire ce comportement injustifié, ce qui fit dire à un autre compagnon du nom de Saad Ibn Malek: « n’aurait été cette interdiction nous nous serions tous transformés en eunuques sauf que l’Islam invite ses adeptes à joindre l’utile à l’agréable »..

وَكُلُواْ مِمَّا رَزَقَكُمُ اللّهُ حَلاَلاً طَيِّبًا
88. Et consommez de ce qu’Allah vous a attribué de licite et de bon.

A l’occasion d’une expédition militaire, un homme passa devant une grotte où l’eau coulait et où poussaient quelques plantes. Il se dit pourquoi ne pas vivre ici et délaisser les délices de la vie. Il s’en alla poser la question au messager de Dieu afin d’obtenir son autorisation mais celui ci lui répondit :

Ma religion n’est ni le judaïsme ni le christianisme (allusion faite aux moines qui pratiquaient ce genre de culte) mais une religion tolérante. Je jure par Celui qui détient ma vie qu’une sortie pour la cause de Dieu vaut mieux que la terre toute entière et ce qui s’y trouve. De même le fait de se mettre en rang pour la prière en groupe vaut mieux que de prier seul chez soi pendant soixante ans

Ainsi en vertu de ce verset il apparaît qu’il n’y a pas de gain à délaisser quoique ce soit des choses que Dieu a rendues licites sous prétexte d’un éventuel rapprochement vers Lui, Seigneur de l’Univers. Ceci est même considéré comme une réelle injustice dont se rend coupable le contrevenant. En fait le meilleur moyen de se rapprocher de Dieu reste de proscrire l’interdit et de se contenter de ce que Dieu a indiqué et rendu licite aussi bien sur le plan qualitatif que quantitatif. Dieu ne demande rien d’autre que d’être adoré comme Lui l’entend et non pas comme il peut éventuellement nous plaire. C’est Lui qui prescrit au croyant Son adoration et par conséquent c’est à Lui de choisir les règles de ce culte. Ne dit-il pas dans un hadith sacré :

Mon serviteur ne pourra se rapprocher de Moi qu’en exécutant ce que Je lui ai prescrit

Ainsi la foi pousse t’elle vers la multiplication des actes de culte qui eux cultivent en nous la piété..

وَاتَّقُواْ اللّهَ الَّذِيَ أَنتُم بِهِ مُؤْمِنُونَ {88}
Craignez Allah, en qui vous avez foi

La crainte de Dieu dont il est question ici est la seule qui puisse garantir à une personne un comportement convenable dans sa vie de tous les jours. Il s’agit avant tout de rester sur la voie du juste milieu et se garder de transgresser les lois divines que ce soit en proscrivant le licite ou en permettant l’illicite voire même en exagérant dans sa consommation du licite. Il est vrai toutefois que l’interdiction ponctuelle de telle ou telle chose licite peut être envisagée dans un cadre purement personnel avec pour but de s’entraîner à la privation. La nature humaine en effet a besoin de temps à autre et à titre éducatif de se sentir dans le besoin, seulement cela ne saurait être définitif en vertu d’un choix personnel délibéré. De même quelqu’un qui s’interdit volontairement telle ou telle chose n’a pas le droit d’imposer son point de vue aux autres. Quand bien même serait-il érudit ses fatwas doivent rester concordantes avec les principaux préceptes de l’Islam qui prône ouverture et tolérance et quiconque s’aventure dans le lancement de fatwas préfabriquées s’expose à un dur châtiment. Le prophète Sidna Mohammed  précise:
Quiconque s’adonne à la fatwa sans avoir la science requise s’expose directement au feu de la géhenne
Puisse Allah nous en épargner.

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