Avarice!

Nous sommes au rendez vous du troisième et dernier appel céleste du 58ème chapitre du Coran ou chapitre de la discussion acharnée. Comme nous l’avons précédemment avancé, cet appel revient sur le problème de la conversation secrète, mais cette fois ci, vue d’un angle différent. Il semble qu’après le premier appel à ce propos, certains hypocrites n’obtempérèrent pas. Une procédure supplémentaire fut donc imposée..

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا إِذَا نَاجَيْتُمُ الرَّسُولَ فَقَدِّمُوا بَيْنَ يَدَيْ نَجْوَاكُمْ صَدَقَةً ذَلِكَ خَيْرٌ لَّكُمْ وَأَطْهَرُ
12. Ô croyants! Quand vous avez un entretien confidentiel avec le Messager, faites le précéder d’une aumône: cela est meilleur pour vous et plus pur.

Beaucoup de croyants aimaient, de façon somme toute louable, entretenir le prophète et trouvaient plaisir à être en tête à tête avec lui pour lui faire des confidences. Ils étaient toutefois tellement nombreux dans cette situation que cela devint rapidement gênant pour le messager de Dieu qui, ne voulant pas tous les décevoir, ne trouvait pour ainsi dire, plus de temps libre pour lui! Allah institua donc un impôt destiné à les faire réfléchir par deux fois avant de venir demander audience à Sidna Mohammed. Cette procédure eut toutefois deux conséquences plutôt opposées:
– D’une part, elle a atteint le but escompté puisque ceux qui venaient importuner le Prophète par leur propos supposés confidentiels arrêtèrent de le faire car ne voulant pas donner l’aumône pour une telle chose.
– D’autre part, et c’est là son effet pervers, elle priva ceux qui n’avaient pas les moyens de donner cette aumône de venir se confier au Prophète alors qu’ils en avaient réellement besoin et c’est d’ailleurs pourquoi Dieu dit juste après :

فَإِن لَّمْ تَجِدُوا فَإِنَّ اللَّهَ غَفُورٌ رَّحِيمٌ {12}
Mais si vous n’en trouvez pas les moyens alors Allah est Pardonneur et Miséricordieux!

On rapporte que le premier et le dernier à avoir appliqué cet appel fut Ali Ibn Abi Taleb qui fit don d’une bague à un pauvre pour avoir accès à un entretien en tête à tête avec le Prophète mais juste après, en raison des difficultés d’application précitées, un autre verset fut révélé afin d’alléger la procédure. Néanmoins, un certain nombre d’exégètes du saint Coran, dont Tahar Ibn Achour, soutiennent que la révélation de ce verset n’est pas liée à une situation particulière mais représente uniquement une procédure destinée à mettre quelque peu les pauvres dans l’aisance au jour le jour d’autant qu’ils étaient très nombreux et que souvent l’aumône légale qui leur était délivrée, une fois par an, s’avérait insuffisante pour subvenir à leurs besoins. C’est comme qui dirait l’institution d’une nouvelle aumône liée ici à la confidence en comparaison au lien qui unit les ablutions à la prière et l’appel à protection lors de la lecture du saint Coran. En effet, Dieu dit ici: « Quand vous avez un entretien confidentiel avec le Messager, faites le précéder d’une aumône ». Alors que pour la prière et les ablutions Il dit: « Lorsque vous vous levez pour la prière, lavez vos visages ». Et pour la lecture du saint Coran Il dit: « Lorsque tu lis le Coran, demande la protection d’Allah contre le Diable banni ». Mais quoiqu’il soit, et contrairement aux deux exemples que nous venons de citer, il est convenu que cette procédure a été définitivement annulée par la venue du verset suivant et qui fait suite immédiate à notre verset du jour.

أَأَشْفَقْتُمْ أَن تُقَدِّمُوا بَيْنَ يَدَيْ نَجْوَاكُمْ صَدَقَاتٍ
13. Appréhendez-vous de faire précéder d’aumônes vos entretiens confidentiels ?

Ce verset dit-on a été révélé quelques temps seulement après le précédent. Certains même évaluent cette période à une dizaine de jours. Ce qui veut dire que la procédure restrictive a largement et vite porté ses fruits. En effet, les demandes d’entretien confidentiel avec le prophète ont bel et bien diminué, aussi bien dans les rangs des hypocrites, qui furent bloqués dans leur démarche subversive, que dans ceux des vrais croyants qui n’en avaient réellement pas les moyens, quoique pardonnés d’office ou qui ayant les moyens la trouvèrent quelque peu astreignante. La procédure pouvait donc faire l’objet d’une révision, surtout qu’elle a porté un certain préjudice à une classe de gens bien déterminée. Ainsi, il n’est désormais plus nécessaire de faire cette aumône avant de voir le prophète en tête à tête mais il reste tout de même indispensable pour le musulman afin de mériter le privilège de s’entretenir avec le messager de Dieu d’être à la hauteur de l’occasion en faisant preuve d’observance rigoureuse des règles essentielles de l’Islam que sont l’accomplissement de la prière, l’acquittement de l’aumône légale purificatrice et bien sûr l’obéissance à Dieu et son messager.

فَإِذْ لَمْ تَفْعَلُوا وَتَابَ اللَّهُ عَلَيْكُمْ فَأَقِيمُوا الصَّلَاةَ وَآتُوا الزَّكَاةَ وَأَطِيعُوا اللَّهَ وَرَسُولَهُ
Mais, si vous ne le faites pas et qu’Allah vous en décharge, alors accomplissez la prière, acquittez-vous de l’aumône légale, et obéissez à Allah et à Son messager.

Il y a donc certainement des limites à ne pas dépasser. Si il est vrai que Dieu les a dispensés de cette obligation après la leur avoir imposée cela ne veut pas dire qu’il en va de même avec les autres obligations qui restent de mises en tout état de cause.

Il est, en effet, hors de question de discuter les trois grands piliers que nous avons précédemment cités. L’accomplissement de la prière est irrévocable et représente le slogan par lequel on reconnaît un musulman. L’acquittement de l’aumône légale reste pour sa part indispensable pour maintenir un certain équilibre au sein de la société et l’obéissance à Dieu et à son messager est une règle générale qui assure la stabilité dans cette même société qui, de facto, est réunie autour d’un seul et même objectif.

وَاللَّهُ خَبِيرٌ بِمَا تَعْمَلُونَ {13}
Allah est Parfaitement au courant de ce que vous faites

Au risque de nous répéter par rapport à la conclusion du dernier épisode, on peut dire qu’il s’agit tout simplement d’une confirmation du premier rappel comme quoi l’omniscience d’Allah fait que la probabilité pour qu’il se trompe est nulle et que chacun sera rétribué en fonction de l’intention qu’il aura mise dans chacune de ses actions, loin de toute injustice ou autre extravagance. Il va de soi que le ton utilisé ici est celui de la menace comme quoi il faut se garder de tomber dans les dédales de la désobéissance.

S'élever avec le Coran